Les Pensées de Pascal

"Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et à l'avenir. Nous ne pensons presque point au présent ; et, nous y pensons, ce n'est que pour en prendre la lumière pour disposer de l'avenir. Le présent n'est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitables que nous ne le soyons jamais."  Vanité, (Fragment 80, Sellier)

 

 

Troisième enfant du couple Périer, Marguerite naît à Clermont le 5 avril 1646. Elle passe les deux premières années de sa vie en compagnie de sa sœur aînée auprès de ses grands-parents paternels. Quelques mois après sa naissance, sa mère s'est installée pour deux ans à Rouen auprès de sa famille. A son retour à Clermont à l'automne 1648, Gilberte donne à ses filles une éducation suivant les préceptes de Port-Royal.

Miracle de la Sainte Epine
Miracle de la Sainte Epine (Ep 0041 2)

A la fin de l'année 1652, Marguerite est atteinte d'un mal purulent à l’œil gauche. Il s'agit certainement d'un ulcère des voies lacrymales dont le seul remède est alors la cautérisation au fer rouge. Gilberte décide que l'opération sera réalisée à Paris où elle se rend avec ses filles. Dans l'attente de l'intervention, elle les place en pension à Port-Royal de Paris le 12 janvier 1654. Le 24 mars 1656, l'état de la jeune fille devient préoccupant. Une religieuse lui fait appliquer sur l’œil un reliquaire contenant un morceau d'une épine de la couronne du Christ. Le soir même la jeune fille est guérie. Pour les partisans de Port-Royal, ce miracle de la sainte Épine est la preuve que Dieu entend protéger le monastère de ses ennemis.

En 1661, l'obligation faite aux religieuses de Port-Royal de signer le formulaire condamnant cinq propositions de l'Augustinus, a une forte incidence sur la vie de Marguerite qui est chassée avec sa sœur de Port-Royal le 14 mai. Gilberte les place

Portrait de Marguerite Périer en novice
Portrait de Marguerite Périer (Cote : A 30816 )

semble-t-il dans une institution religieuse proche des idées de Port-Royal peut-être l'abbaye bénédictine de Notre-Dame-du-Val à Gif. En 1666, Jacqueline et Marguerite regagnent la maison familiale clermontoise et renoncent finalement à devenir religieuses en raison de leur mauvais état de santé. Si Jacqueline apprécie de vivre dans la solitude à Clermont, Marguerite est la seule à rester dans la capitale après la mort de sa mère. Elle fréquente la haute société parisienne où elle développe le réseau de connaissance de sa famille. Elle est l'amie de Madame de La Fayette qu'elle assiste à sa mort en 1693.

Seul le décès de sa sœur Jacqueline, le 9 avril 1695, la contraint à revenir à Clermont pour gérer les biens de la famille avec son frère Louis. Elle a 49 ans et reste très active et fort pieuse : elle accole à son prénom celui d'Euphémie en souvenir de sa tante Jacqueline et prend pour un temps la direction des servantes destinées au service des pauvres à l'Hôtel-Dieu.

Marguerite et son frère Louis doivent faire face aux difficultés financières liées au contexte économique. Bien qu'ils réorganisent leur patrimoine avec adresse, leurs emprunts ne cessent de croître. Endettés, ils vendent le château de Bien-Assis en 1702, mais se réservent un logement dans le pavillon situé à l'est de la propriété. Ce fort besoin de liquidité ne vient pas du train de vie de la famille dont le dénuement est attesté par les domestiques, mais de l'aide apportée à tous, notamment aux religieuses de Port-Royal. A la mort de Louis le 13 octobre 1713, Marguerite reste seule et fait l’aumône du non-nécessaire.

Dernière garante de la mémoire de la famille, elle occupe ses dernières années au souvenir de son oncle Blaise et rédige un mémoire sur lui et sa famille qui complète la Vie de M. Pascal de sa mère. Dans son testament du 4 décembre 1720, elle lègue aux pères de l'Oratoire de Clermont tous les papiers liés à sa famille et les machines arithmétiques qu'elle conserve. D'autres souvenirs pascaliens vont à l'abbaye bénédictine Saint-Jean-d'Angely dont le prieur est son cousin Dom Jean Guerrier.

Vigilante, Marguerite s’intéresse à toutes les publications mentionnant son oncle, s'inquiète d'éventuels faux et défend l'esprit de Port-Royal en écrivant des mémoires sur ses amis du monastère.

La fin de sa vie est marquée par une nouvelle querelle religieuse autour des Réflexions morales de Pasquier Quesnel soupçonné de jansénisme. Ami d'Antoine Arnauld, l'auteur voit se rallier à lui les anciens défenseurs de Port-Royal dont Marguerite. Cette prise de position amène le prêtre à lui refuser les derniers sacrements. Seule la mansuétude de l'évêque Jean-Baptiste Massillon lui permet de les recevoir. Elle décède le 14 avril 1733 à l'âge de 87 ans.