Les Pensées de Pascal

« L’homme est visiblement fait pour penser ; c’est toute sa dignité et son mérite ; et tout son devoir est de penser comme il faut. »
Mélanges (Fragment 513, Sellier)

 

 

Vue de l'abbaye de Port-Royal des Champs
Vue de l'abbaye de Port-Royal des Champs (Cote : 41460)

Pierre Nicole est né à Chartres le 13 octobre 1625. Il étudie à Paris la philosophie, la théologie et l'hébreu. Il entre dans le mouvement janséniste qui est un « mouvement religieux, puis politique et philosophique, qui se développe aux XVIIe et XVIIIe siècles, principalement en France, en réaction à certaines évolutions de l’Église Catholique et à l'absolutisme royal » et il devient bachelier en théologie. Il pense à entrer dans les ordres religieux, mais l’affaire des propositions de Jansénius l'amène à renoncer à la licence : il demeura clerc tonsuré. Il se retire à Port-Royal des Champs qui est un monastère situé au Sud-Ouest de Paris dans la vallée de Chevreuse où vivent des religieuses jansénistes, et il prend pour nom Rosny pour vivre inconnu dans Paris. Il enseigne les lettres et la philosophie dans les petites écoles de Port-Royal des Champs. Il collabore avec Antoine Arnauld et participe à sa défense dans le procès qui lui est fait en Sorbonne, en publiant plusieurs ouvrages anonymes dans lesquels apparaît sa compétence en matière théologique. Il participe avec lui à la préparation des Provinciales que Pascal compose ; il traduit sous le pseudonyme de Wendrock les « petites lettres » en latin et leur ajoute d’excellentes notes théologiques, qu’il devra ensuite mettre en français pour que le public puisse y avoir accès. Il sera par la suite du comité qui élaborera l’édition des Pensées de Blaise Pascal.

 
Son intérêt pour les lettres paraît en plusieurs occasions. Dans les années 1658-1659, il participe à la rédaction de textes d'esthétique (Epigrammatum Delectus). En 1664-1666, il répond ouvertement au jeune Racine dans des ouvrages qui tentent de renouveler le style des Provinciales, les Imaginaires et les Visionnaires. Son Traité de la comédie est l’un des plaidoyers les plus intelligents qui aient été publiés au XVIIe siècle contre le théâtre. En 1662, il rédige La logique ou l'art de penser avec Antoine Arnauld, ouvrage de référence dans les domaines de la philosophie du langage et de la logique. Il rédige une belle préface aux Nouveaux éléments de géométrie de son ami.

La logique ou l'art de penser, page de titre
La logique ou l'art de penser (Cote : Ep 0109)

Mais aussi, il participe aux travaux de Blaise Pascal : asséchement de marais poitevins, canalisation de la Seine, carrosses à 5 sols. En 1664-1665, il travaille à la traduction du Nouveau Testament.


Il profite à partir de 1668 de la Paix de l’Église pour publier des ouvrages théologiques contre les protestants, notamment la Perpétuité de la foi sur l’eucharistie. Mais son inspiration personnelle s’exprime surtout dans les premiers volumes de ses Essais de morale (1671), qui développent des thèmes comme la grandeur et la faiblesse de l’homme, la civilité chrétienne et les différentes manières de tenter Dieu. Un essai comme De l’éducation d’un prince s’inspire de Pascal. Ces Essais rencontreront un grand succès dans le public mondain, et valent encore à Nicole de figurer parmi les moralistes de l’époque classique.

En 1679, à la mort de Mme de Longueville, protectrice de Port-Royal, Louis XIV reprend sa lutte contre les jansénistes en expulsant les religieuses de Port Royal-des-Champs. Dans ce contexte peu favorable aux ecclésiastiques jansénistes comme Pierre Nicole, ce dernier est contraint de quitter la France et vit plusieurs années d'errance aux Pays-Bas, en Belgique et dans des régions frontalières de la France en changeant souvent de nom. En 1680, il revient à Chartres sous condition de rester « incognito ». A cette solitude imposée s'ajoute la douleur causée par une maladie de la vessie et d'asthme. Aussi, il publie de nombreuses œuvres en prenant garde à ne rien publier qui puisse raviver les conflits appelés « jansénistes ». De 1679 à 1680, Pierre Nicole fonde à Troyes des écoles pour l'éducation des petites filles pauvres, institution pour laquelle il laissera dans son testament 40 000 livres. Dans ses dernières années, Nicole est le 1er historien de Port-Royal. Entre 1679 et 1695 ses correspondances portent sur les questions morales, philosophiques et de spiritualité.


Il meurt le 16 novembre 1695, à l'âge de 70 ans d'une attaque d'apoplexie, un an après la mort d'Antoine Arnauld. L'abbé Beaubrun, son exécuteur testamentaire, informé trop tard de sa mort n'a pas pu exécuter ses derniers souhaits « l'ordre verbal qu'il avait reçu de prendre son coeur et de le porter à Port-Royal des Champs, pour  être réuni à celui de M. Arnauld ».

Pierre Nicole présentait un « extérieur fort agréable », une voix sonore et noble. Renaudot écrit de lui : « il avait naturellement l'esprit excellent, un savoir fort étendu, beaucoup de justesse et de délicatesse et un grand jugement. Ces qualités ne l'empêchaient pas d'avoir une simplicité qui allait jusqu'à l'excès. ». El selon le dictionnaire de Port Royal : « Cet homme apparemment froid manifestait une vive émotion à propos des songes et prédictions des religieuses de Port Royal qu'il racontait en accompagnant ses récits d'une grande abondance et profusion de larmes, et en s'attendrissant comme un Jérémie ».